Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 octobre 2011 2 04 /10 /octobre /2011 06:33

la pinasse« Je me souviens d’un temps où j’avais embarqué avec Cap de Fer pour les Antilles. C’était en mil neuf cents et quelques. Çà lui disait bien quelque chose, les Antilles, à cause du rhum qui est la boisson la plus répandue sur toutes les mers du globe. Nous partions de Bordeaux. Autant dire que nous assouvissions chaque fois nos pulsions de départs[1]. Et ce n’est pas la Berthe qui m’en aurait empêché. Elle n’est pas de taille à lutter contre les fantasmes de son matelot d’homme[2].

« On leur en a tellement raconté, à tous les moussaillons, de rencontres de filles se baignant après avoir fait la lessive, qu’une fois devenus matelots, ils croient dur comme fer qu’il suffit d’approcher d’une terre pour voir entre les buissons des filles qui se baignent, nues forcément, puisque c’est après la lessive. Même le vieil Homère, que tu n’as pas connu, vu que tu n’étais pas né, rêvait encore, des années après, à sa Nausicaa[3]. Comme si les filles ne pensaient qu’à çà : faire la lessive et se baigner. Et remarque bien, petit, que ce ne sont jamais les grand mères qui font la lessive dans les histoires de marins. C’est un travail réservé rien qu’à des filles joueuses, fraîches et sensuelles. Quand l’une d’elles s’enfuit, c’est toujours pour narguer son poursuivant et par désir de jeu[4]. Quand on entend d’ardents « Jésus Maria » ou « Ah Mamaï » de derrière les bosquets, ce ne sont jamais des prières, plutôt des ex-voto[5].



[1] Ces désirs inassouvis comme les appelle Jean de la  Ville de Mirmont ont été catalogués comme syndromes de Marius (d’après Pagnol) par les médecins de la Marine avec variante tropicale dite aussi mal de Corto Maltese

[2] «Bonnes gens qui allez dormir à l’aise et qui, les pieds chauds sous vos draps, entendez dans les nuits d’hiver le vent frapper en pleurant à vos fenêtres, pensez qu’il y a, à la même heure, des hommes en un point de la mer immense qui ne dorment pas […]. Bonnes gens, pensez aux gens de mer. Si vous venez de laisser votre livre favori, là bas, il est minuit moins dix minutes et c’est l’heure ou on réveille au quart. […] La vie à bord est en dehors de la loi commune, […] mais si dure qu’elle soit, ils la préfèrent encore à tout autre et aucun d’eux ne voudrait changer d’état» 1 . Léopold-Constantin Pallu : Les gens de mer – Bibliothèque des gares 1860

 

[3] «  Ulysse s’avançait vers ces filles bouclées : le besoin le poussait…(çà ne te rappelle rien?) Quand l’horreur de ce corps tout gâté par la mer leur apparut, ce fut une fuite éperdue jusqu’aux franges des grève. Il ne reste que la fille dAlkinoos : Athéna lui mettait dans le cœur cette audace et ne permettait pas à ses membres la peur. Debout, elle fit tête… » Homère L’Odyssée.

[4] « Plus loin les Portugais trouvent celles qui se baignaient toutes nues : d’abord elles commencent à crier …Plus d’un Portugais saute dans l’eau tout habillé…Le galant Léonard courait après l’agréable Ephire, vrai modèle de la beauté même…Arrêtez inhumaine ! Tant de cruauté s’accordent mal avec tant d’appâts ; les autres nymphes se rendent ; vous êtes la seule qui ne se laisse pas fléchirCharmée des plaintes amoureuses de Léonard, elle ne fuyait plus que pour goûter le plaisir de les entendre ; enfin elle s’arrête ; elle se laisse tomber en riant aux pieds de son vainqueur, et ses yeux pleins de flammes disent que la défaite n’est point le fruit de la lassitude » Camoens, l’Île enchantée, épisode des Lusiades, dans Voyages imaginaires , t.XXVII

[5] « On aperçoit souvent à travers le feuillage grêle, des négresses ou des cholas qui sont venues laver du linge… Les Franceses et les Gringos surprennent souvent ces nymphes au moment où elles sortent de l’eau ; mais elles sont moins sévères que la chaste Diane. Aucune main ne s’étend, dans un geste irrité ; on n’entend que des Jésus Maria, des ah mamaï et des éclats de rire ». Léopold Constantin Pallu  Les gens de mer Hachette. Bibliothèque des Chemins de fer 1860 page 50

 

Céramique de Nicole Chatignol

Partager cet article
Repost0

commentaires

Q
<br /> Et c'est comme ça que naissent les rumeurs... et qu'elles s'amplifient.<br /> <br /> Heureusement que les marins finissent par comprendre que ce n'est pas la vérité.<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Et c'est comme ça qu'on entend au fond des coauillages toutes les rumeurs de la mer.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> bonjour Charles<br /> un beau conte ! excellent -<br /> bonne semaine - et bravo pour la belle céramique !<br /> mes amitiés Lady Marianne<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Ce n'était que des rêves...<br /> <br /> <br /> <br />