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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 07:13

1-copie-10.jpg« Ce n’était pas la première fois qu’il partait, Came de Poulet, et l’émotion l’étreignait à chaque embarquement. Il avait signé pour un de ces superbes bâtiments que les Bordelais viennent voir la veille de chaque départ. Il se propulsait vers des îles semblables à celle qu’un quidam crut apercevoir sur la Seine au droit du Gros Caillou[1]. Rêver d’arrivée quand on n’est pas encore parti, ce n’est pas très matelot. Et donc pourtant… comme on dit chez nous pour une vérité qui n’est pas toujours révélée !

« Nous étions partis avec l’enthousiasme de Monsieur de Bougainville s’embarquant pour la découverte des Malouines. On sait depuis Christophe Colomb que les îles sont juste en face, de l’autre côté de l’eau. Seulement, voilà : en mer, il n’est pas toujours facile d’aller droit. A cause des vents qui ne sont pas toujours réguliers et des bords qu’on doit tirer pour que les vents contraires servent à quelque chose. Et plus on tire de bords, plus on a de chances de trouver des îles. – C’est comme les arbres sur le chemin quand on a bu, tentait d’expliquer Cap de Fer rêveusement appuyé au bastingage[2] . Trois jours après avoir trouvé enfin les alizés et tandis que nous courrions notre erre, la vigie a crié « Terre ! ». A croire que l’Océan est tout constellé d’îles en guirlandes comme dans les vieux atlas.

« Tu rêves Cap de Fer : s’il y a une île là où le pilote n’en met pas, c’est que c’est une île nouvelle. Les îles flottantes, çà n’existe qu’au restaurant ! C’est pourquoi nous nous sommes portés volontaires quand le Capitaine a envoyé pour l’aiguade. Il y eut Cap de Fer, titillé par son sempiternel rêve d’îles et moi pour accompagner ce copain de toujours jamais quitté depuis que nous avons échoué ensemble au Certificat d’études. C’est pour çà qu’il faut aller à l’école soupirait Came de Poulet en essuyant une larme sur sa peau tannée avant de renifler pour mieux reprendre le récit au point exact où il l’avait laissé.



[1] « Je demandais si ce n’était pas là de qu’on appelait dans ma Mappemonde l’Isle de la Martinique, d’où venait le bon sucre et le mauvais caffé : on me dit que non, que celle isle, qui portait autrefois un nom très indécent (on l’appelait l’Isle Macquerelle) portait aujourd’hui celui d’Isle des Cygnes ». Néel Voyage de Paris à Saint Cloud par mer 1736

[2] D’après Vialatte, c’est parce que les bateaux de ligne vont tout droit et font du bruit que les marins ne voient plus  les serpents de mer qui se réfugient dans les zones (nombreuses) où ils ne passent plus.

« Je ne sais pas pourquoi la vue de la mer rend triste : peut-être serait-il plus exact de dire qu’elle porte à rêver et à se perdre dans une sorte d’extase. Mais surtout, quand cette nappe immense est aperçue brusquement, la voix s’arrête, le cœur s’arrête d’abord, et puis s’élance… » Pallu, Les gens de mer supra.

 

Céramique de Nicole Chatignol

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commentaires

Q
<br /> Un sourire, Charles. J'adore les îles flottantes, sans caramel... :)<br /> J'attends la suite avec impatience.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Je ne peux pas vous emporter. Peut-être en viendra-t-il juqu'à vous?<br /> <br /> <br /> <br />