- Tu sais, j’ai mangé des huîtres.
- Malheureux ! Tu ne sais pas qu’elles sont interdites depuis hier, pour la quatrième fois en quelques jours ?
- Tu en as bien mangé avant-hier
- Bien sûr, mais elles n’étaient pas interdites avant-hier.
- C’est pourtant le jour d’avant-hier qu’on a fait le prélèvement dangereux.
- Mais l’administration n’avait pas le résultat : elle était tranquille.
- Qu’est-ce qui compte : le résultat ou la date de prélèvement ?
- Entre la date de prélèvement et la date d’interdiction de vente, comment veux-tu que l’administration s’y reconnaisse ?
- Et moi donc, comment veux-tu que je fasse ?
- C’est très grave, ce que tu as fait, ça s’appelle de la désobéissance civique.
- De Gaulle l’a bien fait avant moi.
- Mais lui c’était pour l’indépendance de la France
- Et moi pour l’indépendance des ostréiculteurs. C’est bien la France, les ostréiculteurs ?
- Vous êtres des minoritaires, il y a beaucoup gens qui obéissent à l'administration.
- Oui, les baigneurs qui ont peur qu’on les empêche de se baigner et les plaisanciers qui veulent continuer à faire naviguer leur petit navire sur une mer devenue administrativement pestilentielle.
- Pestilentielle ?
- Oui, si l’huître est mauvaise, c’est à cause de l’eau, et si l’eau est mauvaise, on va nous interdire d'y patauger. Il vaut mieux parler des huîtres.
- L’huître serait donc le bouc émissaire du Bassin ?.
- Un bouc ? On peut dire ça
- Et pourquoi désobéis-tu ?
- Parce que je ne supporte si la bêtise ni l’injustice.
- La bêtise ?
- Ça n’a rien de scientifique de faire mourir une souris plutôt qu’un rat
- Si je comprends bien, tu préfèrerais qu’on fasse mourir un rat ?
- Je ne suis pas pour la peine de mort. Je préfère l’analyse scientifique et les résultats immédiats.
- Mais il y a des gens qui surveillent l’agonie des souris et se repaissent des condoléances dans les journaux.
- Des condoléances aux souris ?
- Non, des condoléances aux ostréiculteurs.
- Ce sont des gens sans foi ni loi, des collaborateurs
- Des collaborateurs ?
-
Ils n’avancent qu’en craignant. Ils n’y comprennent rien et ils disent amen. : « vacances, bronzage, farniente », « l’administration, elle, ne
ment pas », « je hais ces mensonges qui nous font mal au ventre »….
- Que dit le préfet?
- Qu'on en parlera après les vacances, quand les vacanciers seront partis.
- Que défends-tu ?
- L’indépendance patrimoniale.
- Pourquoi ?
- Parce que je les vois, ces vautours qui espèrent s’emparer à bon compte des cabanes de nos pères et profiter des ports que nos ancêtres ont mis des générations à construire.
- Tu ne trouves pas que tu exagères ?
- Si je meurs, je veux qu’on m’enterre….
- Et qui continueras ta chronique ?
- Ne t’inquiètes pas, je ne suis pas encore mort et pendant la guerre, ils nous en ont fait manger tous ces pisse-froids de la cochonnerie. Même qu’ils la vendaient au marché noir. Il est vrai qu’à l’époque, personne ne s’occupait des huîtres qui étaient en vente libre et que, si l’on mourait, c’était de tout autre chose.
- Les télés locales en ont beaucoup parlé.
- Pas les télés de Paris où TF1 a préféré parler la défense des flamands roses : un vrai sujet d’actualité.
- Comme l’appel du 18 juin. Personne ne l’a répercuté.
Pourvu qu’on ne touche pas aux vacances !Photographies Régine Rosenthal
- C'est égal, je croyais que les chats mangeaient des souris?
- D'ordinaire, oui, mais pas en vacances : je préfère les huîtres aux souris de laboratoires.