- Dis-moi, Mige, voudrais-tu m'accompagner à la plage?
- Tu as déjà Pirate et Grisouille comme gardes du corps
- Serais-tu jalouse?
- On le serait à moins. Rien qu'à voir les compliments que te font les passants.
- Tu as vu l
e pirate a mordu Grisouille qui a une plaie dans le dos,
les poils arrachés.
- Qu'est-ce que tu me racontes là?
- Grisouille c'est un chat de récupération
- de récupération?
- Oui un chat sauvage à qui Régine a fait une belle maison.
- Oui et alors?
- Le pirate c'est un chat blanc à tache noires qui a un gros coquard sur l'oeil comme un bandeau de pirate
- et un crochet de fer et un pilon de bois.
- Arrêtes!
- Que veux-tu dire alors
- le pirate a mordu Grisouille qui est angora et lui a arraché une poignée de poils
- Pauvre Grisouille
- La maîtresse a soigné Grisouille et lui donne à manger à la cuisine
- Et toi qu'en penses-tu?
- On s'entend bien mais Grisouille est rop vieux pour que je joue avec
- et le pirate?
- Il n'a qu'à se chercher une autre maisons d'accueil.
-
- Pourquoi est-ce qu’on ronronne mieux au coin du feu que partout ailleurs ?
- Parce que le feu çà vit, çà a une langue, çà ronfle aussi.
- Et tu passes ta journée au coin du feu ?
- Pas l’été : il n’y a que des barbecues.
- C’est ce que je veux dire : tu passes ta journée au bord du barbecue.
- Quelle horreur !
- Tu aimes le radiateur électrique ?
- Non, c’est une rôtissoire
- Et le radiateur de chauffage central ?
Si je peux y suspendre mon hamac.
Est-ce que tu aimes ronronner?
Si l'on m'écoute, bien sûr.
Photo Christelle Daniel
- Dis-
moi, Mije,
pourquoi attrapes-tu toujours les pieds de tes maîtres quand ils montent sur leur lit ou entrent dans leur bain.
- Je fais comme Tron.
- Comme Tron?
- Oui, de la réflexologie. Tu ne lis pas les journeaux?
- Et c'est permis, çà, la réflexe au logis.
- En privé, oui, pas en public.
- Parce que Tron, il léchait les pieds en public.
- Bien sûr, c'est un homme public.
- As-tu demandé la permission à tes maîtres?
- Ils ne me l'auraient pas accordée, alors, je l'ai prise
- D'après les journaux, logis, mairie ou cabinet, c'est pas parmis.
- Comment veux-tu t'entraîner si tu n'en as pas l'occasion.
- Qui c'est qui peut faire de la réflexo... quelquechose
- Les réflexologues.
- çà leur est réservé?
- Bien sûr
- Et comment ont-ils appris?
- Comme tout le monde : sur le tas.
- Et maintenant il faut un diplôme?
- Il faut un diplôme pour tout pouvoir se réserver
- Et les bonnes femmes qui cachaient les recettes de leurs remèdes de bonnes femmes?
- C'est du secret de fabrication, c'est normal tant qu'elles ne les vendent pas.
- Tron ne les vendait pas, ses prestations.
- Mais c'est le monopole des réflexologues en titre, la réflexologie.
- C'est pas un secret, c'est une technique et cacher une technique, c'est de la dictature.
- Tu vas continuer à en faire?
- Tant que je pourrai lécher et mordiller les pieds de mes maîtres, oui..
- Dis moi, Mouss’, si je met ma patte dans ta bouche, c’est du viol ?
- Sauf raison médicale, bien sûr que c’est un viol.
- Et mon doigt dans ton nombril ?
- Oui
- Mon doigt dans ton nez ?
- Que vas-tu chercher là !
- Et mon auriculaire dans ton oreille ?
- Arrête : tout est viol même ta langue dans ma bouche
- Mais alors tous les bébés, quand on leur cure les oreilles, quand on leur nettoie le nez, quand on leur lave le nombril…
- Bien sûr. C’est de la pédophilie
- Ils peuvent se plaindre ?
- Oui.
- J’en connais des enfants qui ont être contents !!!!
- Pourquoi ?
- Tu as vu le Larousse : Viol : action de porter atteinte à ce qu’on doit respecter. Et moi, je préfère regarder mon nombril tout seul. me curer les oreilles tout seul et fourrer mon doigt dans mon nez tout seul ? Je le respecte, même que j’adore mes crottes de nez.
- Qu’est-ce que tu cherches dans la poubelle ? Tu te prends pour un juge d’instruction fouillant dans les secret défense ou tu cherches les espions de
Renault ?
- Mouss’ m’a dit que c’est là qu’on trouve des secrets.
- L’affaire Dreyfuss a commencé comme çà
- Mais il y a longtemps que le secret du 75 sans recul est éculé pas celui de la voiture électrique.
- Qu’est-ce qu’elle a de particulier cette voiture
- Elle marche à l’électricité nouvelle génération
- Nouvelle génération, que veux-tu dire ?
- Avec une éolienne au moteur et des plaque solaires sur le toît ouvrant.
- Et quand tu ouvres le toît, elle ne marche plus ?
- Il y a l’éolienne. C’est une voiture indépendante ?
- Mais il y a toujours du secret-défense quelque part.
- Chez ton maître, çà m’étonnerait.
- Il peut y avoir des secrets concernant les chats.
- Tu crois qu’il aurait des secrets pour toi ?
- On ne prend jamais assez de précautions.
- Et que trouves-tu dans ses poubelles?
- Des papiers de sachets de croquettes, des sachets de pâté, des papiers bios et d’autres pas.
- Tu te nourris au bio ?
- Pas toujours justement. Les maîtres ont voulu me donner du poisson, je n’en veux plus.
- Pourquoi ?
- Au cas où il viendrait du Japon.
Photo Régine Rosenthal
- Alors, Mije, comment çà va ce matin ?
- Mal
- Comment mal ?
- Je n’ai pas pu m’approcher de l’ordinateur de toute la journée d’hier.
- J’avais à terminer la Garonne agenaise, que m’a demandé mon éditeur et je voulais peaufiner le personnage d’Adèle qui est le personnage de mon roman.
- Je m’en fout d’Adèle. Qu’as-tu à t’intéresser à Adèle quand je suis là, moi ? C’est comme lorsque je saute après l’ombre pour ouvrir la porte. Alors que je suis là, en chair et en poils, en muscles et en fantaisies, en ronrons et lècheries.
- Oui mais tu es toujours là tandis qu’Adèle fuit quand je ne pense plus à elle.
- Justement. Attaches-toi à la réalité.
- Quelle réalité ?
- Mes cachettes dans les sacs en plastique quand tu me cherches sous le fauteuil, ma présence dan le panier de la friteuse quand ma maîtresse m’a pendu à l’espagnolette de la fenêtre.
- C’est vrai on aurait dit un bébé d’autrefois quand les mères les accrochaient tout langés à un clou de la chambre- salle à manger-cuisine pour qu’ils ne crient pas.
- Moi j’aurais miaulé bien fort
- Ils pouvaient pas, les couches compressaient leurs poumons. Mais toi, tu n’as pas
crié quand tu étais pendu dans le panier de la friteuse.
Pourquoi ? Je voyais tout d’en haut comme depuis la loge d’un théâtre. Si tu avais vu la tête que tu faisais… T n’es pas mal dans ton rôle d’acteur, tu sais. Il faudra bien un jour que je parle des bêtises des humains. Il y en a gros à dire.
Photos Régine Rosenthal
- Mije, où es-tu ?
- Ici, sur le tapis, dans un rayon de lumière
- Qui t’a appris les bienfaits du soleil ?
- Je réfléchis, tu sais et puis Ré ne fut-il pas le meilleur compagnon de Bastet, en Egypte ?
- Je ne t’en ai jamais parlé
- C’est la preuve qu’on peut savoir sans apprendre
- Méfie-toi de tant de présomption. Tu ne faisais pas ta faraude quand tu es tombée dans l’eau de la baignoire
- Aucun de nous n’a accompagné Moïse, ni dans son berceau, ni dans la traversée du Nil
- Pourquoi, vous étiez raciste ?
- Que racontes-tu là ? Nous ne sommes racistes à l’égard de personne.
- Même pas des souris ?
- Comme vous l’êtes à l’égard des palombes. En les aimant bien.
- Que veux-tu dire aimer bien ?
- Aimer du bout des griffes et des dents
- Et tu appelles çà aimer ?
- Exactement comme je t’aimes. Comptes-moi le nombre de zébrures que j’ai faites à ta cuisse et le nombre de morsures que j’ai tenté sur tes mains
- Et moi qui croyais que tu t’accrochais à ma cuisse pour monter sur mes genoux et que tu tétais ou léchais par affection ?
C’est exactement çà mais çà n’empêche rien. Quand les chasseurs de chez toi comptent les palombes, c’est pour la beauté des vols, peut-être.
Photographies Régine Rosenthal et Jean Nogrady
- Dis-moi, Mije, çà ne t’intéresserait pas de devenir un chat savant ?
- Un chat savant, tu veux rire. Ne le sommes-nous pas par nature ?
- Comment çà ?
- Nous savons le vieux monde et écoutons le nouveau. Nous savons marcher presque à la naissance et apprenons très vite où trouver nos croquette, notre caisse, notre lait. Nous savons ronronner et toujours essayons d’ouvrir ce qui s’ouvre, d’entrer dans ce qui est profond. Nous savons explorer l’inexplorable, distinguer ceux qui nous aiment, les aimer quand nous le voulons, les laisser quand ils nous embêtent, vivre sur le pays ou de vos dons. Nous jugeons, complotons, ronronnons, comprenons et vivons avec bonheur notre vie de chat en parfaits parasites. Que te faut-il de plus. Je voudrais bien savoir ce que tu appelles un chat savant.
- Un chat qui marche debout, qui pousse une poussette, qui se fait traîner dans un chariot par six souris blanche, qui entre dans une soupière
- Çà existe, çà ?
- Je l’ai vu au cirque de Moscou
- C’est bien ce que je pensais. Tu appelles animal savant un animal qui te copie, imite ton comportement. Ce n’est pas un chat savant, çà, c’est un savantasse, un minable, un chat sans jugeotte, sans intelligence .
Un chat, c'est toujours un chat
- Un chat savant, ce n'est plus un chat.Puisque c'est çà, je ne jouerai plus avec toi tant que tu n'auras pas appris ce que c’est que la sagesse, l’intelligence d’un chat.
Photographie de Régine Rosenthal
- Tu as vu Bougrain-Dubourg, il a fait une opération pour casser les matoles, ouvrir la cage aux pinsons.
- C’est un ami des chats ?? Il a fait çà pour nous ?
- Je ne 
crois
pas, non.
- Alors pourquoi il a fait çà ?
- Pour embêter les chasseurs.
- Et tu as vu à la télé, un alpinis te s’est encordé pour aller embêter deux rapaces dans leur nid
- Il avait l’autorisation des parents ?
- Non il surveillait tout le temps parce qu’il avait peur que les parents reviennent
- Et comment il les embêtait ?
- Il les a enfermés dans un sac, a monté le sac sur le plateau où ses complices ont pesé, mesuré, piqué les petits aigles et leur ont mis un bracelet électronique avant de les remettre au nid.
- Mais c’est du flicage, çà
- Oui.
- Pourquoi ont-ils fait çà ?
- Ils disent que c’est pour leur bien. Pour savoir où ils passent.
- Qu’est ce que çà peut leur faire ? Ils ne peuvent pas les laisser libre au lieu de les surveiller tout le temps ?
- C’est comme chez les humains : ils pensent que tout progrès passe par le flicage.
-Pourquoi, ils ont mis des bracelets électroniques aux roms, les humains?
- C'est parce que tu as un collier que tu dis çà?
- Un peu, oui.
