Le blog de charles daney

- Mije n'est pas revenue?

- Si, elle est allée se coucher ; elle était exténuée.

- Quelle idée aussi de suivre les gendarmes?

- Il n'y avait pas qu'elle. Il y avait tout le village et les villages d'à côté

- Et ils n'ont rien trouvé?

- Non mais il paraît qu'ils vont mettre l'hélico.

- Elle t'a dit pourquoi elle y est allée

- Il paraît qu'il y avit un tout petit, le petit Poucet qu'on l'appelle. Alors, forcément...

- Ce n'est pas une raison. Tu lui diras de venir me voir et d'informer nos bloggeurs.

Photo Régine Rosenthal (Mije surprise au sommeil)

Mije revenait dans la nuit lorsqu’elle vit passer un âne soutenu par un chasseur.

­ -  Un âne soutenu par un chasseur ?

-         Curieuse comme une chatte Mije suivit le couple.

-        Où allait-il ?

-         Au commissariat où le chasseur a réveillé un gardien aviné.

-         Que voulez-vous ? dit le gardien apeuré devant cet homme en arme.

-         Porter plainte.

-         À quel nom ?

-         Quand il entendit le nom de la Princesse cachée sous la dépouille d’un vieil âne, le gardien s‘en fut réveiller le commissaire qui a téléphoné au Préfet qui a prévenu le Ministre de l’Intérieur qui a envoyé un message au Chambellan qui a réveillé le Roi.

-         Et alors ?

-         Le Roi qui venait d’épouser une jeune femme très amoureuse qui tenait à affirmer ses jeunes talents est allé se recoucher après avoir dit que l’affaire ne le concernait plus.

-         Et que s’est-il passé ensuite ?

-         Le Chambellan est allé se coucher, le Ministre de l’Intérieur a fait de même, le Préfet, ne sentant plus personne au bout du fil est allé réfléchir dans son fauteuil, le Commissaire, après avoir bu un coup, a rejoint son épouse. L’ambulance de l’hospice des fous qui avait été prévenue par précaution est repartie à l’hôpital. Il ne restait plus que le gardien de garde

-         Et le chasseur.

-         Ce qui prouve l’importance des chasseurs dans la sauvegarde des femmes perdues, blessées, battues, fugueuses, ou sexuellement abusées.

-         Dans les bois ?

-         Çà arrive.

-         Qu’a fait le gardien ?

-         Il a attendu trois jours, le temps que soit close la prescription – ce qui évitait la plainte et par la même occasion, arrêtait les recherches de la princesse incriminée

-         Un qui ne devait pas être content, c’est le Commissaire.

-         Au contraire, moins il y a d’affaires et mieux çà marche dans la police.

-         Il n’y a pas que dans la police d’ailleurs.

-         Et le chasseur a abandonné Peau d’âne à son destin ?

-         Pas du tout, il l’a conduite dans un pays voisin, véritable démocratie où existent des associations d’aide aux femmes en difficultés, où se traitent les harcèlements sexuels de tous ordres et, pour n’être pas accusé d’avoir profité de l’occasion, il a épousé la Princesse.

-         Oh, tu sais, les Princesses, de nos jours, s’il n’y a pas de dot à l’appui…

C’est depuis ce temps là qu’on trouve dans les Commissariats, les associations d’aide aux femmes agressées, battues, abusées, et même dans les bureaux de Ni putes Ni soumises les vers de Perrault diffusés par la Commission européenne des droits de la femme, à savoir :

Le conte de Peau d'âne est difficile à croire

mais, tant que dans le monde on aura des enfants,

Des mères et des mères-grands

On en gardera la mémoire

 Mon chat miaule quand il veut des caresses ou qu’il désire sortir mais il écoute les mots des z’humains et voici ce qu’il m’a dit

Vous avez des mots que j’aime et d’autres pas. Les mots nébuleux, vos jours en sont pleins, les mots gris sont tristes, les noirs, dangereux même luisants comme la vase des rivières qui cherche à nous entraîner vers le fond et les drapés satinés des smokings qui vous entraînent dans les fêtes. J’aime les mots roses qui sont des mots d’enfant et les rouges ardents même s’ils sont incandescents. Je n’aime pas les mots blancs qui fondent comme neige au soleil mais les vert tendre qui sont doux et les vert pré qui annoncent le printemps. Les mots vert chou me portent sur le foie, les orange amènent un brin de soleil, les bleu azur se font légers, légers, les bleu ciel risquent de ne pas durer, les bleu des mers du sud font rêver mais les bleu de Prusse sont profonds. Je n’aime pas les jaune paille qui sont plats comme un désert sans dune mais les mots jaune d’œuf me font penser au cirque et les jaune citron mettent une pointe épicée dans les conversations. Je n’aime pas les mots terreux qui collent à la semelle de vos souliers, les mots vineux des ivrognes ni les mots sales qu’il faut décrasser. Les mots cuivre rouge poli reflètent le monde à coups de cymbales ; c’est pourquoi je les aime bien. Je n’aime pas les mots froids et luisants comme une lame de couteau qu’on aiguise pour dire des vacheries ou pour faire mal ni l’écume des mots qui porte avec elle tous les mépris de l’onde et du monde.

- Dis-moi, Mouss’, Mije n’est pas près de toi ?

- Je l’ai envoyée continuer son reportage sur les contes.

- Alors, çà continue ?

- Çà dépend de ce qu’en penseront les internautes.

-         Tu as vu, Mije, la taille de ce redressement fiscal !

-         Tu crois que Sellières va pouvoir payer ?

-         Ce n’est pas de Sellière qu’il s’agit.

-         De qui, alors ?

-         De Cendrillon.

-         Tu galèjes, ou quoi ?

-         Pas du tout : l’autre jour, à l’heure du laitier…

-         Il n’y a plus d’heure du laitier.

-         Ne m’interromps pas tout le temps. De bonne heure, donc…

-         Continue

-         Un jeune homme vêtu de noir

-         Qui te ressemblait comme un frère

-         Suffit, j’arrête.

-         Non, vas-y

-         Un inspecteur des impôts, donc, s’est présenté au domicile de Cendrillon.

-         Elle est allé réveiller ses patrons.

-         Pas du tout parce que ce Monsieur lui a dit que c’était elle qu’il voulait voir, ce qui l’a beaucoup étonnée.

-         « Avez-vous fait votre déclaration de fortune dit-il tout de go

-         Mais je n’ai pas de fortune.

-         Et cette chaussure, qu’on a trouvée sur la route ce matin ? Ne me dites pas que c’est celle de Roland Dumas.

-         C’est vrai, c’est moi qui l’ai perdue  Merci de me la ramener.

-         Elle est toute neuve. Avez-vous la facture ?

-         Non. C’est ma marraine qui me l’a offerte

-         Elle n’est pas du tout usée.

-         Parce que je rentrais en carrosse.

-         Votre marraine encore, sans doute ?

-         Bien sûr ma marraine, elle est fée

-         Et moi, je suis le Ministre des Finances. A-t-elle déclaré cette donation au fisc ?

-         Je ne sais pas.

-         Mais votre carrosse, il devait être traîné par des chevaux ?

-         Non, vieux rats.

-         Vous me traitez de vieux rat ? Injures à fonctionnaire en service. Çà va chercher loin,

-         Je vous assure que tout çà c’est du fongible. Que çà n’existe qu’au virtuel.

-         Le virtuel, connais pas.

-         Pourtant avec internet…

-         Avez vous la preuve de ce que vous avancez ?

-         Je sais seulement que le cocher s’était endormi.

-         Son numéro d’Urssaf ?

-         C’était un jeune rat en CDD»

-         Dis-moi, Mije, que lui est-il  arrivé à Cendrillon ?

-         Ses patrons l’ont mise à la porte et elle s’est inscrite à l’ANPE en attendant le procès.

-         Et ses patrons, qu’est-ce qu’ils sont devenus ?

-         Ils ont dû aller chercher une petite bonne dans un pays du Tiers Monde..

-         Bien fait pour eux !

-         Ils ne l’ont pas déclarée

-         On va leur envoyer un contrôle fiscal.

Photo Régine Rosenthal

-          Tu as vu tous les efforts qu’on fait pour ne pas réchauffer l’atmosphère

-         Où as-tu vu çà ?

-         Je lis les journaux, moi

-         et tu as vu quoi ?

-         Renault a vendu plus de voitures que jamais, des milliers de voitures

-         Çà ne réchauffe pas l’atmosphère, çà ?

-         Il paraît que çà pollue moins que les vesses de vaches

-         Même dans les embouteillages ?

-         Tu en as vu, toi, des embouteillages de vaches ?

-         La nature, c’est dangereux

-         Mais ce sont les voitures qui nous écrasent

-         C’est vrai. De toute façon si c’est tout… c’est grave.

-         « Noir Jeudi » vient d’occuper un immeuble vide depuis quatre ans

-         Et alors ?

-         Alors ? Il était chauffé et éclairé sans personne depuis ce temps là

-         C’est sans doute moins réchauffant que la lampe à 40 watts qu’on nous impose au plafonnier de notre chambre et qu’on éteint tous les soirs

-         C’est pour tu n’aies pas mal aux yeux.

-         Dis-moi pourquoi il y en a qui peuvent et d’autres qui peuvent pas

-         Qui peuvent quoi, ?

-         Éclairer, chauffer des appartements vides, respirer les pots d’échappement des voitures bloquées dans les embouteillages parce qu’il y a trop de voitures que Renault il en construit trop exprès pour provoquer des embouteillages.…

-         Parce qu’ils ont des sous, tiens. Tu n’as pas de sous pour t’acheter une voiture neuve ou pour chauffer à gogo ton habitations secondaire pour le cas où tu aurais envie d’y venir impromptu?

-         Oh, tu sais, moi si je roule sur l’or, c’est que je ne me casse la gueule dessus.

Photo de Régine Rosenthal

Dessin de Pertuzé