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2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 06:27

Mon maître a monoipolisé l'ordi pour deux articles qu'il avait paraît-il besoin de rendre vite. Comme je rouspémiaulais il m'a dit de mettre le trai fantôme, qu'en cette période d'Halloween, ça irait bien. Alors voilà

 

Chat_d-Halloween_AF-36-6_.jpg

 

Du temps que la ligne Bordeaux-Irun était considérée comme une piste d’entraînement pour les locomotives, il se passait d’étranges choses au dépôt de Bordeaux. Au contraire des fées qui aiment les sources, les puits, les courants d’eau vive, sorciers et sorcières restent à l’écart de cet élément qui leur est suspect sauf à y dresser leurs guets-apens. Leur domaine est dans ces innombrables ronds de sorcières qu’on voit fleurir dans les prés de chez nous ou sur les « tucs[1] » inondés de bruyère et d’autant plus fréquentés qu’ils sont près d’un « canton [2]». C’est là justement, entre Croix d’Hins et Gazinet, sur ces landes infinies que connaissait bien Chambrelent, entre des « tucs » au carrefour des grands chemins, qu’après avoir planté des pins, les hommes ont fait passer des locomotives sur des lignes qui sont un peu les autoroutes des trains. Il n’est donc pas étonnant que le premier train lancé dans les landes soit justement le train des sorcières.

(à suivre)

[1] petite hauteur où l’on dit que se tiennent els sabbats

[2] carrefour de routes, lieu privilégié du légendaire landais.

 

PHOTOGRAPHIE Régine Rosenthal

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30 octobre 2011 7 30 /10 /octobre /2011 07:08

5_chats_sauvages_align-s_26-11_.jpgTandis qu’ils approchaient de l’île sans nom un serpent jaillit de l’onde bouillonnante. Il s’est dressé, énorme, a gonflé son cou, ouvert une gueule rouge d’où est sortie une langue fourchue comme la queue du diable avant de tourbillonner comme une trombe au-dessus des eaux de la rivière et de s’abattre d’un coup sur la barque qui disparut avec lui. Même les pêcheurs de pibales pâlirent au récit qu’en firent les rares témoins qui avaient vu de la rive d’en face le phénomène qui n’avait, je vous l’assure, rien de naturel.^

Les gens de la ville, qui sont pleins de certitudes, ont parlé de superstitions. Ils en voient partout et, comme ils n’aiment pas reconnaître leurs erreurs, surtout quand elles leur apparaissaient comme des défaites, ils envoyèrent à l’île une frégate qui rentrait à Bordeaux après avoir fait le tour du monde. Elle disparut corps et biens dans les tourbillons de l’estuaire.

Les pêcheurs de Gironde y virent fort justement la vigilance de la petite princesse qui devint la protectrice de tous les pêcheurs de la Gironde qui sont, de par leurs comportements, de véritables aristocrates. Les derniers habitants de l’île, qui ont peut-être inventé cette histoire, ont disparu comme ont disparu tous les aristocrates de tous les pays du monde depuis qu’il n’y a plus personne pour s’intéresser aux îles, rien que des enfants qui en rêvent la nuit et savent encore en faire, le temps d’une découverte, un royaume pour leurs jeux d’enfance.

 

Photo Régine Rosenthal

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29 octobre 2011 6 29 /10 /octobre /2011 07:31

_3344.jpgDes siècles et des siècles après l’île portait toujours la marque de la princesse Aurore (presque toutes les princesses se nomment Aurore). Il ne se passait pas un matin sans que brillent des milliers de fils de la Vierge dans les herbes et les joncs du bord de l’eau, pas un jour sans que la marée vînt porter à l’île le soupir de l’Océan, pas une semaine sans que quelque poisson voyageur ne vienne alimenter les repas des habitants, pas un mois sans qu’on y chante le passé – ce que l’on considère ici comme la meilleure préparation du futur. C’est pour cela que les îles sont différentes de la terre ferme. Il est vrai qu’en ce temps là les gens voyageaient peu – même l’été qui est la saison des travaux : les foins, la moisson, la préparation des vendanges occupaient leurs loisirs.

Un jour vint pourtant où il y eut beaucoup de bruit de l’autre côté du fleuve. Les historiens appellent çà une émeute ou une révolution. Des hommes de la ville ont voulu voir ce qui se passait dans les îles. « C’est des aristocrates disaient-ils, c’est des ci-devant ». C’est comme cela qu’ils les appelaient parce qu’ils ne demandaient rien d’autre que de vivre tranquillement loin des bruits de la ville. Ces  étrangers parlaient beaucoup et parler leur donnait soif d’autant plus qu’étant étrangers ils se réunissaient dans ces auberges où l’on parle haut et fort. Un jour qu’ils avaient bu plus que de raison, ce qui est beaucoup, -en tout cas beaucoup trop -ils ont détaché une barque de pêcheurs pour venir dans l’île. Ils avaient compté sans la petite princesse et son origine étrange.

 

Photographie J.C.Lauchas

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28 octobre 2011 5 28 /10 /octobre /2011 07:34

Histoire-3.jpgOn sut pourtant – mais par qui et comment, c’est un mystère- que l’île sans nom qui s’était un jour mise en travers du chenal comme un vieux rafiot fatigué, avait été un vrai royaume avec une vraie princesse fille du génie de la Garonne. Le Roi son père, qui régnait sur les eaux, l’avait mariée au meilleur pêcheur du fleuve, celui-là même qui l’avait pêchée puis relâchée. La première fois qu’il l’avait vue dans ses filets, il l’avait aimée. Quand elle s’est sentie démaillée avec ces gestes doux  qu’ont les nourrices quand elles démaillotent les bébés, elle sut que personne d’autre ne la toucherait aussi tendrement. C’est pourquoi elle est longtemps venue au lever du jour le voir jeter l’épervier ou filer la bourgne[1]. Cela a duré des mois, voire des années. Quand et comment se sont-ils mariés ?  Nul ne sait. Le Roi de la Garonne en avait fait son vassal bien qu’il fût simple pêcheur ; la petite princesse en fit un Roi.

Elle l’aimait beaucoup mais je crois qu’elle aimait plus encore son île que son Roi de mari. Celui-ci, qui n’eut pas beaucoup de peine à administrer un Royaume qui n’abritait que deux personnes, continuait à pêcher. Des enfants sont nés et les enfants et petits enfants de ces enfants ont toujours su préserver l’île en la gardant de la curiosité des étrangers. C’est comme cela qu’elle est restée un vrai Royaume.

(à suivre)



[1] Ou nasse

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27 octobre 2011 4 27 /10 /octobre /2011 09:57

_0419.jpgLes îles sont toutes, plus ou moins, des royaumes. Celle-ci l’était un peu plus qu’une île ordinaire. Les pêcheurs de pibales[1] se signaient quand, d’aventure, ils en approchaient. D’aussi loin qu’on la voyait, on savait qu’on ne l’aborderait pas. Elle était mieux gardée par les joncs de ses larges vasières que par des canons. Aucune estacade, aucun peyrat[2], aucun embarcadère ne subsistait auprès d’elle. Le fleuve l’ourlait d’un rouleau sans défaut et plus d’un marin s’y perdit sans retour. On en trouvait le corps quelques jours après à moitié rongé par les crabes. L’île gardait son mystère et la Gironde son secret.



[1] Petites anguilles appelées civelles ailleurs.

[2] Le pêyrat est une « cale » plan incliné sur l’eau fait de pierres,  où se roulaient autrefois les barriques à embarquer sur les gabares.

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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 07:05

 Il fut un temps où les îles de nos fleuves descendaient au fil de l’eau comme nous l’a conté Chateaubriand des îles du Mississipi ou comme on le voit encore faire à celles de l’Amazone. Elles emportaient avec elles plein d’animaux sauvages et de serpents que la vue des flots affolait. Les hommes les ont conquises, puis abandonnées. Elles sont redevenues désertes sans animaux sauvages ni gros serpents. Seuls leurs bords éraillés témoignent d’anciennes collisions. Il y a donc très, très longtemps qu’elles se sont amarrées au milieu des fleuves et des estuaires et nul ne se souvient de leur passé d’aventures. Tout au plus parle-t-on encore en Gironde d’un vieux couple qui avait fait son domaine de l’une d’elles.

(à suivre)

 

 

 

 

 

 

Céramique de Nicole Chatrignol

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25 octobre 2011 2 25 /10 /octobre /2011 06:57

1.jpg-     Le jour du bûcher et nonobstant l’odeur nauséabonde qui s’en dégageait, la jeune Florimonde, qui s’était cachée tant qu’il y avait du monde, s’est rapprochée du bûcher jusqu’à toucher un beau jeune homme qu’elle vit sortir des flammes là où les commères de la ville avaient vu un fantôme faisant d’horribles et effroyables actions, un jeune homme non point nu mais habillé de riches étoffes et brocards qui indiquent la condition de ceux qui les portent. Alors, sans plus demander d’avis, la jeune Florimonde s’en est allée avec son prince chercher la robe de feu qu’il lui promit incontinent et toutes les robes de son rang, loin, bien loi des commères qui, par leurs bavardages inconsidérés, avaient tenu le Prince et sa suite  dans la condition de buveurs de marc et la jeune Florimonde dans celle d’une jeune fille honnête et timide – sorte de chrysalide antique dont elle désirait ardemment sortir.

-         C’est pourquoi plus jamais personne n’a parlé dans Bazas de cette fille qui disparut, comme disparaissaient alors les filles, par enlèvements de princes désenvoûtés[1].

-         Et les Bazadais, trompés par leurs Juges, fatigués de voir brûler des vieillards sur la place publique, dégoûtés des odeurs nauséabondes d’une époque sans pollution autre ou avouée que celle des bois de justice, préfèrent aujourd’hui n’immoler que les bœufs dont ils font les héros de leurs fêtes.

Photo rfégine Rosenthal

[1] Les filles, qui savaient d’instinct reconnaître les rinces sous toutes formes d’envoûtements racotaient n’importe quoi à leurs mères pour les fréquenter sans surveillance de duègne.

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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 06:58

Chat_et_chapeau_AF-2_.jpg-          J’en ai vu de ces tempêtes et grands orages dans l’air dont on n’a  jamais su l’origine. Et même si je n’ai jamais aperçu de fantôme parmi les éclairs je ne suis pas loin de penser qu’on brûle quelque part dans le monde quelque sorcier attardé. À moins que ces bûchers ne soient que les instruments de quelque sortilège. Car enfin la justice, qui s’intéresse tant aux sorciers, ne s’est jamais demandée ce que devenaient les victimes des buchers alimentés aux bois de justice. Ce qui se dit aux veillées de Bazas est très différent de la version que l’on a voulu transmettre aux générations futures pour la bonne éducation des jeunes gens.

-         On dit, par là-bas, que la jeune Florimonde a fini par s’attacher à ces sorciers, surtout à Paumier dont il est certain qu’il lui avait jeté un sort. Ce n’est pas impunément que quelqu’un s’intéresse à une jeune femme esseulée, surtout dans une petite ville de province, comme était Bazas en ce temps.

(à suivre)


Photographie (et chapeau) de Régine Rosenthal


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23 octobre 2011 7 23 /10 /octobre /2011 05:58

-         Galeton, Jassou et Pautier furent soumis à la question d’où il apparut que les diables étaient à leur service, rompant les cordes dont on les frappait et gardant aux condamnés la bouche close- ce qui est preuve suffisante en démonologie. Cette attitude contrastait avec celle de tous les malheureux, tourmentés et affligés de la bonne ville de Bazas qui ne pouvaient en leur présence retenir des cris effroyables.^

1-Hqlloween.jpg

-         Aussi est-ce en leur grande sagesse que Messieurs les Juges et Gens du Roy donnèrent sentence qu’ils fussent

-         Condamnez de faire amende honorable nuds en chemise

-         La corde au col,

-         Tenant chacun un gros flambeau de cire ardente,

-         Estant à genoüil

-         Demander pardon à Dieu, au Roy et à la Justice,

-         D’estre conduits hors la ville

-         & pour être dans la place appelée les Arènes

-         bruslez tous vifs

-         chacun en un poteau

-         qui pour cet effet leur seroient dressez

-         & leurs cendres jettées au vent.

-          

-         Ainsi moururent le 11 février 1637 trois vieux sorciers de Bazas convaincus – à ce que disent les minutes du procès – par tant de preuves et si grand nombre de déposants contre eux que nul n’en eût rien retenu s’il ne s’était produit à l’instant de leur mort ces évènements relatés le jour même du bûcher, à savoir : «  le bûcher ne fut pas sitôt embrazé dans le bois, que voilà des cris effroyables, des tempêtes et grands orages dans l’air, des tisons de feu élevez hors de leurs places, des fantosmes parmi les flammes qui faisaient des actions si horribles & espouventables, qui donnèrent un si grands effroi, qu’ils firent retirés promptement plus de deux mille personnes (qui étaient présentes) & même l’Exécuteur d’abandonner le tout jusques à ce que le bois fut consommé, lequel néanmoins il fallut augmenter pour réduire ces misérables corps en cendres qui jettaient la plus grande puanteur & infection qu’on sçaurait croire. »

-         Ainsi finissent les sorciers, pas les orages dont il n’est pas sûr que certains ne soient brûleries de démons.

(à suivre)

 

Photographie de Régine Rosenthal

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22 octobre 2011 6 22 /10 /octobre /2011 07:18

ANI_CAT.139.jpg-         Il faut dire que la jeune femme ne levait jamais les yeux en deçà de la hauteur nécessaire à l’honnêteté et qu’elle ne portait jamais habit au-dessus de sa condition. Toute autre fille de Bazas eût parue effrontée à ses côtés. Aussi la population bazadaise tout entière était-elle consternée quand la pauvre fille criait. Elle criait quand elle courait comme enragée parmi les champs ; elle criait aussi quand elle restait enfermée en quelque chambre. Autant dire qu’elle criait tout le temps et que quantité de gens l’allaient voir avec grande compassion et quantité d’eau bénite dont ils l’aspergeaient d’eau bénite

-         Quelques Pères récollets y allèrent diverses fois et c’est d’eux que sortit l’affaire. Ce que les vieillards montrèrent à Florimonde, nous ne le savons pas exactement, mais ce que la jeune femme a confié avoir vu aux Récollets dépasse l’entendement. Elle affirmait avoir vu danser plusieurs diables et démons effroyables autour d’eux et qui lui jetaient des pierres que tous voyaient sans voir diables ni démons. Et d’être traitée en femme adultère lui était d’une grande douleur. Comme elle était très belle, elle n’eut pas plus de peine à apitoyer les Pères Récollets qu’elle n’en avait eu à acquérir la compassion de ses concitoyens. 

 

 

Photo Jean Nogrady

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